Trésor du Mois : le fonds Hébert de la Rousselière
Le 25/09/2020 à 12h12 par Roxane Caul-Futy
Résumé

Le catalogue de la bibliothèque du Dr Hébert de la Rousselière léguée à la ville d’Angers en 1979 a été récemment informatisé. Une occasion de découvrir ce fonds et ses pépites.

Le « Docteur Hébert »

Né à Angers en 1887, Joseph Henri René Hébert de la Rousselière est issu d’une famille de médecins et de notaires. Formé à l’externat Saint-Maurille, il débute sa carrière pendant la 1ère Guerre Mondiale, comme médecin aide-major au sein du 25e régiment de Dragons. Il en revient décoré de la Croix de guerre et de la Légion d’honneur. Il reprend après la guerre le cabinet de médecine générale de son père au 36 rue Lionnaise, dans la Doutre.

Le médecin nourrit également une vive passion pour l’horticulture. Sur son domaine de La Gagnerie, traversé par la voie ferrée, il crée d’un côté un jardin arboré, avec des plantes méditerranéennes qu’il s’applique à acclimater, et de l’autre un arboretum de 7000 m² composé d’arbres rares (voir à ce sujet l'article des Archives municipales d'Angers).

Joseph Hébert de la Rousselière, photoPhotographie extraite du magazine Les Amis des roses : revue de la Société française des roses no238 (cote HR C0537: "A l'issue de la réception à l'Hôtel-de-Ville d'Angers ; de gauche à droite au premier plan : MM. Marsot, M. Chatenay, maire d'Angers ; M. Hébert de la Rousselière ; M. Pajotin".

 

Membre de l’Académie d’Angers, il devient en 1942 président de la Société d’Horticulture et publie en 1947 L’Histoire des jardins d’Angers (plusieurs exemplaires sont disponibles à la Bibliothèque). Il participe ainsi en 1954 au « Congrès de la rose » à Angers ; l’événement est immortalisé dans le magazine Les Amis des roses : revue de la Société française des roses no238 (cote HR C0537). Il y signe également un article sur les « Historiens et poètes, jardiniers de la rose ».  « Poètes », car Joseph Hébert de la Rousselière s’essaie en parallèle à la poésie avec deux recueils, Flèches (1966 - cote HR A0336) et Du vin, du miel, du fiel (non daté, HR A0337).

Sans héritier, le docteur lègue ses biens à la ville d’Angers. Ainsi, à sa mort en 1979, 1192 de ses livres intègrent les collections de la Bibliothèque municipale. Le Musée des Beaux-Arts reçoit les toiles peintes du XVIIIe siècle de son salon de La Gagnerie, et une partie de son domaine est aménagé en espace vert au cœur du quartier Monplaisir, le parc Hébert-de-la-Rousselière.

Composition du fonds

La bibliothèque du Dr Hébert de la Rousselière est celle, traditionnelle, de l’honnête homme : on retrouve par exemple les dictionnaires de Richelet, de Trévoux, de Moréri et de Bayle, l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, les auteurs classiques latins et grecs. La majorité du fonds (58%) est constituée de documents du XVIIIe siècle. Cette partie présente de très nombreuses reliures d’attente, témoins d’une bibliothèque qui n’a pu être confiée à un relieur faute de soin ou d’argent. Papiers bleus et marbrés sont au rendez-vous en guise de couvrure, avec au dos une cote qui semble témoigner d’un classement provisoire, à la première lettre du titre avec un numéro de tomaison. On trouve également 14 reliures d’attente en papiers dominoté (HR A0001 à 6, HR A0010).

 

Ventilation chronologiqueLes livres plus anciens (35 du XVIIe siècle et 12 du XVIe) ne sont pas absents. Un recueil factice contenant deux pièces de 1550 et 1539, avec des textes en latin et en hébreu, abondamment annoté porte l'ex-libris de René Planchard, déjà présent dans les collections des Bibliothèques Municipales d'Angers. Sélectionné pour la campagne de numérisation des Bibliothèques Humanistes Ligériennes (BHLi) en 2019, il est aujourd’hui intégralement numérisé (cote HR A0011 (1) et (2)).

 

 

Notons enfin la présence (non prise en compte dans le diagramme ci-dessus) de 8 fragments du XIIIe siècle, remployés en reliure (Rés. Ms. 3119 à 3126).

Une bibliothèque familiale

De nombreuses marques de provenances montrent que la bibliothèque du Dr Joseph Hébert de la Rousselière est manifestement le fruit d’une transmission familiale plutôt qu’une collection de bibliophile. Plus de 300 ex-libris ont pu être identifiés, dont 176 d’un certain « Viot fils », probablement le révolutionnaire Michel-François Viot (voir encadré ci-dessous), et 51 de la famille Hébert (Hébert, Hébert de la Rousselière, Hébert de Soland). 54 livres sont marqués au tampon ou au pochoir d’un « B » fleuri. Ce dernier ex-libris se réfère peut-être à un membre de la famille Barré – le fonds portant déjà 5 fois l'ex-libris du médecin René Barré († 1724), ancêtre de Léandre Hébert (voir les arbres généalogiques ci-dessous). La famille Hébert est ainsi représentée sur au moins 4 générations, 8 si l’on remonte à René Barré.

 

Arbre généalogique 1

Arbre généalogique des ascendants de Joseph Hébert de la Rousselière

 

Arbre généalogique 2

Arbre généalogique des ascendants d'Etienne Léandre Hébert

 

Le lien avec les familles Viot et Coullion (ou Coullion Deladouve), très présentes parmi les provenances, est moins clair. Michel-François Viot est marié avec Marie-Perrine-Victoire Coullion (d’après Célestin Port), mais nos recherches ne permettent pas d’établir pour l’instant de lien avec les familles Hébert ou Barré. La clé réside peut-être dans l’apparente continuité – à approfondir – entre les livres de comptes des propriétés des familles Hébert et Coullion (cotes HR D0571 à HR D0574).

 

 

Michel-François Viot (1759-1822), fils de l’orfèvre Michel-Toussaint Viot et Renée Caillot de la Grande-Maison, étudie au Petit Séminaire d’Angers puis à Paris avant de revenir à Angers se marier et reprendre l’affaire de son père. Il s’illustre au sein de la garde nationale, où il est élu chef de bataillon puis commandant. Le 6 juillet 1792, le Conseil municipal lui donne la direction du dépôt de l’artillerie. Du 30 avril au 29 mai 1793, il commande en second l’armée de la rive droite de la Loire à St-Georges-sur-Loire. Quelques jours avant le siège d’Angers (3 et 4 décembre 1793), il est chargé de conduire à Paris les métaux d’or et d’argent provenant de la dépouille des églises, dont il avait surveillé la remise et l’inventaire. Il est appelé au grade d’adjudant général de la garde nationale avec le commandant du camp de Saint-Lambert-du-Lattay, mais doit se retirer quelques temps après, pris de goutte. Sa bibliothèque manifeste des engagements prononcés dans les débats révolutionnaires ainsi qu’une forte sensibilité aux Lumières, particulièrement à Rousseau, mais aussi aux récits de voyage et à la littéraire. Au sein du legs Hébert de la Rousselière, cette bibliothèque mériterait une analyse pour elle-même.

 

Les ouvrages médicauxPage de titre des Recherches de l'origine et du mouvement du sang...

Cette bibliothèque familiale de médecins de père en fils contient sans surprise plusieurs traités médicaux ; les plus anciens, du XVIIe siècle, ont appartenu à René Barré.

Parmi les thèmes abordés, celui de la circulation sanguine : les débats houleux du début du XVIIe siècle n’ont pas échappé à la famille de médecins. On retrouve l’ex-libris de René Barré (daté « 1678 ») sur les Recherches de l'origine et du mouvement du sang, du cœur et de ses vaisseaux… publié en 1677 par Jacques Chaillou, un médecin angevin. Chaillou décrit dès 1664 les principes de la circulation du sang et le rôle du cœur ; notre exemplaire en est une réédition de 1677, augmentée d’autres textes (cote HR A0026).

L’obstétrique est également bien représentée, avec notamment trois exemplaires de la thèse d’Etienne-Léandre Hébert « de Désertines » (Mayenne), soutenue en 1817 à Paris : Dissertation sur la cessation des règles, les accidens auxquels la femme est alors exposée, et les précautions qu'elle doit prendre pour les éviter. L’exemplaire HR C0517 porte quelques corrections manuscrites (postérieures ?).

 

 

Page de titre des Recherches de l'origine et du

mouvement du sang... (cote HR A0026)

 

 

La mise en ligne du catalogue de la bibliothèque du Dr Joseph Hébert de la Rousselière est l’occasion d’ouvrir quelques voies d’exploration de cette bibliothèque familiale qui mérite assurément de plus amples recherches. La Bibliothèque municipale d’Angers propose une sélection d’ouvrages remarquables, présentés dans la vitrine du Trésor du Mois d’octobre 2020.

 

Papier dominoté

Reliure de papier dominoté pour Martha, ou les dangers du mariage précipité : impression de fleurs bleues sur papier jaune épais (cote HR A0001)

 

 

Documents exposés dans la vitrine Trésor du mois en octobre 2020

• Recherches de l'origine et du mouvement du sang, du coeur et de ses vaisseaux ; Du lait, des fièvres intermittentes & des humeurs. / Par Maistre Jacques Chaillou, Angevin, Docteur en Medecine.

Paris, 1677 [cote HR A0026]

Jacques Chaillou entame ses études de médecine à Angers dans les années 1650, une époque où les découvertes médicales abondent : en 1628, William Harvey publie à Francfort son Exercitatio Anatomica de Motu Cordis et Sanguinis in animalibus, souvent considéré comme le premier ouvrage à décrire de façon précise la circulation du sang. C’est dans ce contexte que Jacques Chaillou, avant de passer son doctorat, part se former aux nouvelles découvertes à Paris puis à Bordeaux, où il s’agrège en 1663. Il revient quelque temps après s’installer à Angers.

 

• La Cosmographie universelle recueillie de chasque bon autheur et approuvé, tant des historiens, comme de ceux qui ont descrit les lieux particuliers / Sebastian Münster

Bâle, 1556 ? [cote HR C0462]

Gravure ouvrant un chapitre sur les « monstres marins ».

 

• Grammaticae in sanctam Christi linguam institutiones / aeditae per Agathium Guidacerium

Paris, 1539 [cote HR A0011 (2)]

Livre rare, présentant d’importantes annotations du XVIe siècle qui l’ont fait retenir pour le projet des Bibliothèques Humanistes Ligériennes. Il complète les livres déjà présents à la Bibliothèque portant les ex-libris de René Planchard (XVIIe siècle) et du Couvent des Capucins d’Angers. Il est intégralement numérisé et mis en ligne sur Commulysse.

 

• Fragment du sermon dominical XIV : Quanto tempore haeres parvulus est nihil differt a servo (Gal., IV, 1). Modo recolit ecclesia qualiter ille qui sien estimatione est magnus / [a Guillelmo Peraldo]

S.l., fin du XIIIe siècle ? [cote Rés. Ms. 3120 (reliure)]

En couvrure de reliure de l'ouvrage Lettres créoles, ou Les amours d'une mulatresse (Angers, Mame, 1791), remploi d'une feuille de parchemin rognée, écriture scholastique fin XIIIe siècle. Fragment ayant sans doute une provenance voisine des fragments de parchemin remployés en couvrure du ms. 3121 des 5 volumes des mss. 3122-3126.

Lettres créoles, ou Les amours d'une mulatresse apporte un texte et une édition angevine inconnus des collections publiques françaises, comme 13 autres livres du legs Hébert de la Rousselière.

 

• Voyage au Levant, c'est-à-dire, dans les principaux endroits de l'Asie mineure / par Corneille Le Bruyn

Rouen, 1728 [cote HR C0479 (1)]

Au titre de chaque volume, un ex-libris manuscrit : « Viot fils » (Michel-François Viot).

 

• Martha, ou les dangers du mariage précipité

Paris, 1801 [cote HR A0001]

Reliure de papier dominoté : impression de fleurs bleues sur papier jaune épais (voir sur Commulysse)

 

• Les Amis des roses : revue de la Société française des roses no. 238, 4e trimestre 1954 / Société française des roses

Lyon, 1954 [cote HR C0537]

L'éditorial revient sur le « Congrès de de la Rose » (24, 25 et 26 septembre 1954) à Angers. Joseph Hébert de la Rousselière est présent aux « Trois Glorieuses de la Rose » en tant que président de la société d’horticulture d’Angers.

 

 
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