Découvrez une acquisition récente de la bibliothèque municipale d’Angers : deux placards manuscrits intitulés « Les petites fées », dialogue artistique entre le peintre angevin Alexis Mérodack-Jeaneau et le poète nantais Emile Boissier.
Les petites fées forment un ensemble de quatrains manuscrits illustrés à l’aquarelle et à la gouache, ode symboliste à douze Muses dont les prénoms invitent à un voyage mystérieux : Alix, Faële, Florise, Glaëne, Hylette, Memor, Muguette, Oghulde, Violine, Yolis, Zénire et Ixène.
Deux seulement de ces treize placards poétiques portent la date de 1899. Il y a tout lieu de croire qu’ils ont tous été réalisés à la suite, l’année de la première exposition personnelle d'Alexis Mérodack-Jeaneau qu’Émile Boissier, introduisait d'un essai L’œuvre picturale de Mérodack-Jeaneau.
Sur la genèse de cette collaboration nous n’avons pas beaucoup d’éléments mais nous savons que la série fut exposée en 1901 chez Danton, boulevard Malesherbes à Paris. Un article de l'Express de 1922 signé C. Hamonet nous l'indique, dans lequel il cite quelques vers de Boissier et évoque l'existence d'une vingtaine de sujets. L'ensemble a été scindé au cours du XXe siècle : seulement douze de ces portraits peints ont rejoint les collections de la bibliothèque municipale.
Pour le Trésor du mois nous vous proposons de découvrir en vitrine le début du poème ainsi que Zénire.
Détail de Zénire (Rés. Ms. 2921)
L'ensemble est numérisé et consultable en ligne ici.
Ces placards restés dans l’atelier puis dans la succession de l’artiste, ont été achetés par un particulier lors de la deuxième vente du fonds d'atelier de Mérodack-Jeaneau à Angers en 1988. L’ensemble a été récemment acheté par préemption de l'Etat au bénéfice de la bibliothèque municipale d'Angers lors de la vente de prestige de l'Hôtel des ventes du Maine, Angers, le 30 mai 2018, lot 593, avec l'aide du Fonds régional d'acquisition des bibliothèques (FRAB) des Pays-de-la-Loire.
Alexis Mérodack-Jeaneau (1873-1919) est de nos jours un artiste méconnu, incarnation à la fois du symbolisme, du fauvisme, proche de l’expressionnisme allemand, et chef de file de l’École du Synthétisme. Né à Angers, Alexis Jeaneau accole à son nom le pseudonyme Merodack qu’il emprunte au mouvement Rose-Croix. Formé à Angers, il intègre ensuite l’école des Beaux-arts de Paris dans les ateliers de Léon Bonnat, Gustave Moreau et Luc-Olivier Merson.
Cet artiste décédé prématurément à l’âge de 46 ans, fait figure d’avant-garde au début du XXe siècle en promouvant des idées novatrices à Paris puis dans sa ville natale. Lié d’amitié avec ses illustres contemporains que sont Matisse, Toulouse-Lautrec, Marquet ou Manquin, il participe régulièrement au Salon des Indépendants. Brouillé avec certains marchands d’art, il expose lui-même dans sa galerie parisienne des artistes qui feront figures d’icônes de l’art tels que Kandinsky, Delaunay ou Duchamp-Villon. Mérodack-Jeaneau amène aussi l’art moderne dans sa ville natale en organisant en 1905 et 1907 des Salons réunissant plus de 1200 œuvres à Angers, parmi lesquelles des toiles de Cézanne, Mondrian, le Douanier Rousseau ou Kandinsky.
En 1914, en réponse à Marinetti et Apollinaire il publie le Manifeste de l’École du synthétisme, compilation des idées qu’il diffuse aussi par le biais de sa revue Les Tendances Nouvelles publiée durant dix ans (1904-1914). Il se consacre aussi à la sculpture dès les années 1910, production encore plus méconnue de son travail.
Les musées d’Angers célèbrent en 2019 le centenaire de la disparition de cet artiste d’envergure par le biais d’une grande exposition rétrospective présentée au musée des Beaux-arts d’Angers du 11 mai au 16 septembre 2019. Les petites fées acquises par la bibliothèque y seront exposées dans leur intégralité.
Pour en savoir plus sur Mérodack-Jeaneau consultez cette bibliographie.
Première page des "Petites fées" signée par Emile Boissier (Rés. Ms. 2914)
Émile Boissier (1870-1905) est un poète nantais, ami proche de Mérodack-Jeaneau qui publie nombre de ses textes dans sa revue Tendances Nouvelles et réalise son portrait. En retour Boissier préface certains de ses textes et rédige l'introduction de sa première exposition en 1899 à la galerie Bodinière. Autre artiste décédé prématurément, à l’âge de 35 ans, le poète n’aura pas pu suivre la suite de la carrière de son ami Merodack-Jeaneau. Qualifié de « poète idéaliste », il est l’auteur entre autres des recueils Dame Mélancolie, 1893 (préfacé par Verlaine), Psautier du barde et de Chemin de l’irréel, remarqués par Mallarmé.
La bibliothèque municipale d’Angers conserve aussi dans ses collections quatre partitions manuscrites du compositeur et organiste Jean Huré sur des textes d'Émile Boissier a composé des textes.
Les petites fées ; Zénire d’Emile Boissier illustré par Alexis Merodack-Jeaneau Rés. Ms 2914 ; Rés. Ms. 2921 Angers : 1899 Aquarelle gouachée, montage calligraphié à l’encre sur papier (signée par les deux artistes) 60,8 x 44 cm ; 43 x 37 cm (avec encadrement)
A découvrir également lors du Samedi du Patrimoine le samedi 6 janvier 2019
Médiathèque Toussaint, 15h30 (salle non accessible aux fauteuils roulants)
Réservation conseillée au 02 41 24 25 50