Trésor du mois : Femmes-Hommes, un long combat pour l'égalité
Le 08/03/2023 à 13h30 par Marie-Luce Fabre
Résumé

De la glorification des femmes puissantes aux écrits féministes, la Bibliothèque propose plusieurs textes revendiquant l’égalité des sexes depuis le XVIIe siècle.

Cette présentation s’inscrit dans le cadre du Mois de l’égalité et de la Journée internationale des droits des femmes (8 mars).

 

 

 

La galerie des femmes fortes, par le père Pierre Le Moyne,

Paris, Antoine de Sommaville, 1647

H 4839

 

Cet ouvrage relève de la tradition littéraire des recueils de « femmes illustres », qui débute au 16e siècle avec les premières traductions du De claris mulieribus de Boccace et trouve son apogée dans les années 1640.

Il est divisé en 4 suites : « Les fortes juives », « Les fortes romaines », « Les fortes barbares », « Les fortes chrétiennes » (dont Jeanne d’Arc et Marguerite d’Anjou), comportant des chapitres de composition identique. L’auteur y expose que les femmes, outre les qualités qu’on leur prête habituellement (piété, chasteté), sont aptes à gouverner des États (telle la dédicataire, Anne d’Autriche, reine régente de France) ou à exercer des « vertus militaires », à l’égal des hommes.

« Il peut donc bien y avoir des esprits généreux, et des âmes fortes en des corps délicats ; comme il y a de bonnes épées en des fourreaux de veloux ».

 

 

 

De l'égalité des deux sexes,

discours physique et moral, où l'on voit l'importance de se défaire des préjugés,

Paris, Jean Dupuis, 1673

SA 598

 

Pionnier des théories féministes, François Poullain de La Barre (1647-1723) est l’auteur de ce texte, publié anonymement, et qui reste sans retentissement à son époque. Il y démontre que l’état d’inégalité infligé aux femmes est fondé non sur la nature, mais sur un préjugé culturel, en raison de l’ignorance dans laquelle on les maintient. Il prône donc leur accès à une véritable éducation, ainsi qu’à toutes les professions.

 

 

L’imperfection des femmes, tirée de l’Écriture sainte, et de plusieurs auteurs.

Dédiée à la bonne femme,

Limoges, Chapoulaud [réimpression de l’édition originale de 1699]

ST 418

 

En exergue : Optima foemina rarior phoenice (Une femme excellente est plus rare qu’un phénix).

La femme y est qualifiée de « la plus imparfaite créature de l’univers, l’écume de la nature, le séminère [sic] des malheurs, la source des querelles, le jouet des insensés, le fléau de la sagesse, le tison de l’enfer, l’allumette du vice, la sentine d’ordure, un monstre en nature, un mal nécessaire, une chimère multiforme […] »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le frontispice de l’édition de 1736 représente une femme sans tête, modèle de la « bonne femme ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La femme n'est pas inférieure à l'homme. Traduit de l'anglois. Londres, 1750

SA 601

 

Traduction d’un ouvrage anglais de 1739 qui s’inspire étroitement des œuvres de Poullain de La Barre, réimprimée en 1751 sous le titre de Triomphe des dames.

 

 

 

*

Vues législatives pour les femmes,

adressées à l’Assemblée nationale, par Mademoiselle Jodin,

Angers, Mame, 1790

SA 602

 

Marie-Madeleine Jodin (1741-1790) est la fille d’un maître horloger de Genève. Amie et correspondante de Diderot, elle est aussi comédienne, et se produit notamment à Angers. Féministe, elle se prononce dans ce mémoire contre l’indissolubilité du mariage : « Dans ce moment où les droits de l’homme, trop longtemps méconnus, sont l’objet d’une constitution nouvelle qui les leur restitue, il n’en est pas de plus instant que celui que réclame la nature, la liberté de disposer de soi. Il doit leur être aussi libre de se délier, qu’il le leur a été de s’unir, à charge seulement de statuer sur le sort des enfants […] »

 

 

 

Révolution frappante dans l’état et les moeurs des femmes,

par M. Rangeard, curé de l’Anjou, député à l’Assemblée nationale.

Extrait du Tribut de la Société des Neuf Sœurs, 14 novembre 1790

SB 156 (13)

 

Héritière de la loge maçonnique du même nom, la Société nationale des Neuf Sœurs – ainsi dénommée en référence aux Neuf muses - réunit au début de la Révolution artistes et hommes de lettres. Elle publie chaque mois un cahier intitulé Le Tribut de la Société nationale des Neuf Sœurs.

L’abbé Jacques Rangeard (1723-1797) est élu en 1789 député du clergé aux États généraux et président de la Société nationale des Neuf Sœurs. Il prête serment à la Constitution civile du clergé l’année suivante.

Son texte s’achève en ses termes :

« Concluons avec assurance,

Qu’enfin de la raison l’homme écoutant la voix,

Doit abaisser sa morgue, et réformer ses lois,

Du beau sexe chérir la nouvelle existence, et respecter les droits dont le ciel l’a doté,

Non pas sans doute encore à la prééminence,

Mais du moins à l’indépendance,

Et surtout à l’égalité. »

 

*

 


 

Pensées religieuses par un Saint-Simonien croyant à l'égalité de l'homme et de la femme,

Angers, E. Lesourd, 1833

ST 726

 

Ces Pensées ont été rédigées par un juge de paix d’Angers, M. Fournier, adepte du saint-simonisme, doctrine dont le nom fait référence à Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825).

Ce dernier préconise de fonder le bonheur de l'humanité sur le progrès de l'industrie et de la science, qui conduirait à une société pacifiée et fraternelle, où le sort des plus pauvres serait amélioré. Ses disciples réclament l’égalité de l’homme et de la femme.

« Le progrès doit nécessairement amener l’époque où l’intelligence seule aura le droit de gouverner le monde – Alors il sera reconnu que la femme est l’égale de l’homme ».

 

*

 

 

La femme-médecin, par G. Richelot, Paris, E. Dentu, 1875

A 10040

 

Vice-président de la Société de médecine de Paris, le docteur Richelot fustige la « déplorable tendance » que constitue l’accès d’un nombre croissant de femmes aux études médicales. Ce réquisitoire est publié en 1875, date à laquelle la première femme médecin, Madeleine Brès, obtient son diplôme.

« L’étude et la pratique de la médecine exigent des qualités viriles. Pour être médecin, il faut avoir une intelligence ouverte et prompte, une instruction solide et variée, un caractère sérieux et ferme, un grand sang-froid, un mélange de bonté et d’énergie, un empire complet sur toutes ses sensations, une vigueur morale et, au besoin, la force musculaire. Est-ce que ces qualités et ces aptitudes, sauf de très rares exceptions, peuvent se trouver réunies chez la femme ? »

 

 

 

Les femmes qui tuent et les femmes qui votent, Alexandre Dumas fils,

Paris, Calmann-Lévy, 1880

A 10467

 

 

Alexandre Dumas fils signe ce pamphlet à la suite de plusieurs affaires judiciaires impliquant des femmes, tel le procès de Mme de Tilly, jugée en 1880 par les assises de Saintes pour avoir défiguré la maîtresse de son mari avec du vitriol. Il y plaide pour le vote des femmes qui permettra de réformer les injustices dont elles sont victimes - notamment les lois qui régissent le mariage - et qui les poussent au crime.

« Si le divorce avait existé, non seulement M. de Tilly n’aurait pas pu s’en servir contre sa femme, mais c’est Madame de Tilly qui aurait pu s’en servir contre lui, au lieu d’en arriver, comme moyen suprême de garantie, à l’action lâche et dégradante qu’elle a commise. Elle aurait demandé une protection à la loi, au lieu de demander une vengeance à l’acide sulfurique, et le Code l’eût libérée d’un mariage qu’elle ne méritait pas, au lieu de la libérer de la prison qu’elle avait bien méritée [référence à l’acquittement de Mme de Tilly] ».

 

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