Trésor du mois de décembre 2024 : une sélection de papiers remarquables et surprenants, issus des collections patrimoniales de la bibliothèque.
Décembre, mois des papiers cadeaux, l'occasion de découvrir des papiers surprises : une sélection de papiers remarquables et surprenants, issus des collections patrimoniales de la bibliothèque municipale d'Angers.
Les papiers dominotés sont au cœur de plusieurs études récentes d’histoire du livre. On désigne ainsi les feuilles ornées de motifs géométriques reproduits à partir de gravures sur bois et peints au pochoir. Utilisés comme papiers d’ameublement, parfois concurrencés par des papiers gaufrés et dorés originaires d’Allemagne, les dominos sont également appréciés au XVIIIe siècle comme couvertures provisoires des livres avant de recevoir une reliure. Ils subsistent également en remplacement de papiers marbrés dans les gardes de certains livres.
48 volumes de la bibliothèque municipale d'Angers présentent 33 motifs différents de ces types de papiers en couvertures d'attente, ou en contregardes et gardes. La plupart de ces décors complètent les inventaires dressés en 2010-2012 par André Jammes, Christiane et Marc Kopylov.
Etrennes mignonnes, curieuses et utiles. 1752, 1761, 1762, 1772, 1774, 1778, 1779, 1788, an IX.
Paris, Durand, 1752-1811.
Couvertures de papiers dorés gaufrés allemands.
• Angers bib. mun., Rés. H 5455
OLIVIER de SAINT-VAAST, Louis
Commentaire sur les coutumes du Maine et d'Anjou, ou Extrait raisonné des autorités, édits & déclarations, arrêts & règlemens qui ont rapport à ces deux coutumes. Par Me Louis Olivier de Saint-Vast, avocat au Parlement de Paris, & au bailliage & siège présidial d'Alençon. Tomes premier, troisième et quatrième.
A Alençon, chez J.-Z. Malassis jeune, imprimeur du Roi, de Monsieur & du Collège, rue du Jeudi, 1777-1779. Et à Paris, chez Mérigot le jeune, libraire, quai des Augustins. Avec privilège du Roi.
Couvertures d’attente en papier dominoté français à motif floral, "A Paris c[hez les As]sociés N° 81".
• Angers bib. mun., B97035, B97037, B97038
Le papier fabriqué en Europe à partir du XIIIe siècle utilise comme matière première la chiffe, c’est-à-dire de vieux chiffons, vêtements ou draps usagés, généralement en lin ou en chanvre. À la fin du XVIIIe siècle, la publication d’imprimés et donc la production de papier sont telles que la matière première manque. Diverses expériences sont tentées pour remplacer la chiffe par d’autres types de fibres, mais il est difficile d’obtenir une qualité et une blancheur suffisantes.
Il faudra attendre la première moitié du XIXe siècle et les progrès de la chimie pour la mise au point de la pâte mécanique à base de pulpe de bois, un procédé qui recourt à une matière première abondante, mais qui se révèlera traître à long terme, puisque le papier ainsi obtenu s’acidifie en vieillissant, jaunit et s’auto-détruit. Il est donc plus compliqué pour les bibliothécaires de conserver ces papiers des années 1850-1950 que les papiers chiffons de l’Ancien Régime !
VILLETTE, Charles-Michel de (1736-1793)
Œuvres du marquis de Villette.
A Londres. 1786.
Ce volume est imprimé sur papier d'écorce de tilleul. Il y eut un autre tirage de ce livre sur papier de guimauve. Il s'agit de la première édition en Europe sur du papier autre que de lin ou de coton.
Fausse adresse. Livre imprimé en réalité à Langlée, Montargis. Léorier-Delisle fit fabriquer par la papeterie Buges près de Montargis du papier d'orties, de houblon, de mousse, de roseaux, de rosier, de chiendent, de bardanne et de pas-d'âne.
• Angers bib. mun., Rés. BL 1374
L'ouvrage présenté ici est le même type d'ouvrage que celui publié à l’origine en 1883 sous le titre Er-Sie-Es par l’éditeur allemand de Düsseldorf, Felix Bagel. Ce dernier en proposa une traduction française trois ans après intitulée Roi-Reine-Prince, avec pour sous-titre : "Récit humoristique égyptien, peint et écrit d’après nature, l’an 1302 avant la naissance de J.-C., par C. M. Seyppel, peintre et poète à la cour de feu S. M. le roi Rhampsinit II". L’histoire, qui s’étale sur une quarantaine de pages, raconte la bataille de succession qui suivit la mort d’un pharaon, la fille de ce dernier et son mari se disputant le trône.
Avant même de l’ouvrir, ce livre surprend, car l’auteur lui a donné l’aspect en faux-semblant d’un volume ancien, abîmé par le temps, comme sauvé par des fouilles archéologiques. L’historien de l’art et spécialiste de la caricature John Grand-Carteret écrivait en 1884 à propos de Er-Sie-Es : « Ces charges fort amusantes (…) ont été tirées sur du papier imitant le papyrus, qu’on a rongé aux bords et mordu avec des acides afin d’obtenir des taches de rouille et d’humidité. Pour que rien ne manquât à cette imitation de manuscrit antique, on y a joint une couverture en grosse toile, aux bords également mangés ou brûlés, un gros cachet de cire bleue sur le plat, et des attaches en cuir destinées à fermer le volume (...) »
A l’intérieur, Roi-Reine-Prince se démarque par une étonnante diversité de compositions dans lesquelles texte en rimes et dessins s’imbriquent de façon originale. Pas une page ne ressemble à l’autre, Seyppel alternant entre des structures décoratives, de grandes images narratives, des séquences sans légendes, des inventions graphiques, des éléments ornementaux, et même des excentricités qui rappellent celles des albums comiques du jeune Gustave Doré.*
* Texte repris du site Töpferriana
SEYPPEL, Carl-Maria (1847-1913)
Sharp, sharper, sharpest : a humorous tale of Old Egypt penned down and depicted in the year 1315 a. C. by C. M. Seyppel, court-painter and poet laureate of His Majesty King Rhampsinit III, and done into the English tongue by two mummies of the Old Dynasty, Memphis, 35 Mummies Arcade (ring three times).
Düsseldorf, Felix Bagel, [1885].
• Angers bib. mun., Rés. C20111
En marge de sa peinture, James Guitet a exploré certaines variations sous la forme de livres blancs. « En voici le principe : chaque feuille du livre est découpée de sorte qu’une liasse figure un relief ; cependant les liasses sont si nombreuses qu’en feuilletant le livre on peut assister à l’apparition et à la disparition de deux, trois, cinq ou dix reliefs différents dans un sens ou dans l’autre. Il faudrait peut-être appeler techniquement ces œuvres des reliefs intérieurs à géométrie variable »*. Certains livres blancs de Guitet ont reçu des textes (de Michel Butor ou Pierre-André Benoît, par exemple), d’autres comme ici se suffisent à eux-mêmes.
* MOUTON, Joseph. James Guitet – l’œuvre en son cours, 1985.
GUITET, James (1925-2010)
Les rêves du petit clerc. Tome II, livres 3-4.
Manuscrit, 1965. Exemplaire unique.
Rassemble deux œuvres tête-bêche, présentant chacune une page de titre manuscrite en tête et queue du livre. Corps du livre constitué de découpages de l'artiste.
• Angers bib. mun., Ms. 2654
En 2019, le collectif de designers Super Terrain propose une édition limitée de Fahrenheit 451, le roman d’anticipation de Ray Bradbury, publié en 1953. Dans cette dystopie, les pompiers détruisent par le feu tous les livres, jugés comme obstacles à la paix et au bonheur. L’auteur y questionne le rôle central du livre dans la culture et met à jour les possibles dérives d’une société de l’instantané. La tyrannie du bonheur étouffe toute forme de contestation nourrie par la réflexion, la mémoire ou la culture présente dans les livres et les œuvres d’art.
Cette nouvelle édition est un livre d’artiste dans lequel l’objet même du livre fait écho à la fiction qu’il renferme. Au premier abord, le livre est complètement noir, comme calciné, déjà victime de l’assaut des pompiers. Or, à la chaleur d’une flamme ou de la main, page après page, l’encre noire disparaît et dévoile le texte de Ray Bradbury. Éloignez le feu et il retrouve son aspect carbonisé, simple et dépossédé de son potentiel subversif, de mémoire et de réflexion.
Ce livre en tant qu’objet pourrait faire partie de la fiction de Ray Bradbury comme une ruse pour conserver et cacher les livres des pompiers pyromanes. En le brûlant, le lecteur est plongé dans le roman et fait le lien entre la fiction et la réalité. Cette édition souligne la contemporanéité de Fahrenheit 451. En effet, lorsque Ray Bradbury écrit ce livre dans les années 50, les écrans commençaient à s’immiscer dans les maisons, ils ont aujourd’hui envahi notre vie quotidienne…*
* Texte repris du site web de Super Terrain
BRADBURY, Ray (1920-2012)
Fahrenheit 451.
Nantes, Superterrain, 2019.
Ex. n. 36/100 numéroté et signé, sous jaquette et coffret cartonné noir. Corps du livre imprimé sur un papier ignifugé (classé M1), thermosensible blanchissant, et laissant apparaître, sous la chaleur (25° C), le texte sur-imprimé à l'encre termochromique. Coffret, jaquette et couverture sur papier noir ordinaire non ignifugé. Le livre peut montrer différents degrés de noirceur et d'opacité en fonction de la température ambiante. L'encre réagit à toutes sources de chaleur augmentant la température (soleil, chaleur du corps, de l'air, d'une flamme...). L'effet est réversible et l'opération peut se réaliser de très nombreuses fois, mais le papier peut finir par marquer.
• Angers bib. mun., Rés. A32083