Trésor du mois : 400 ans de La Fontaine
Le 08/07/2021 à 12h11 par Alain Terrienne
Résumé

À l’occasion des 400 ans de la naissance de Jean de La Fontaine (né le 8 juillet 1621 et décédé le 13 avril 1695), le Trésor du Mois présente une sélection de ses livres illustrés.

Jean de La Fontaine — Wikipédia

 

Illustrer les Fables de La Fontaine 

 

Remontant à une tradition antique créée par l’esclave demi-légendaire, Ésope, au VIe siècle avant J.-C., la fable est un genre d'origine populaire, consistant en un récit court, souvent dialogué, qui vise à illustrer une morale. Au cours des siècles, le répertoire des fables s'est constamment enrichi, constituant un fonds de sagesse populaire et de morale pratique. Au XVIIe siècle le genre connaît surtout un usage scolaire : on s'en servait alors dans les collèges comme exercice de traduction et comme leçon de morale. Ce genre bas, sans dignité littéraire, est pourtant celui que choisit La Fontaine, qui y voit la possibilité de pratiquer une poésie naturelle, spontanée, pleine d'élégante simplicité, propre à plaire au public des salons. 

 

La Fontaine transforme profondément ce genre quasi rustique par l'attention nouvelle qu’il donne au récit. Dans les fables antiques et médiévales, la morale était comme la colonne vertébrale qui ne laissait au récit qu’un rôle secondaire d'illustration. Chez La Fontaine, la morale devient souvent prétexte à la peinture de véritables petites scènes de genre, pittoresques et circonstanciées, le plus souvent teintées d'humour. L’importance traditionnelle des règnes animal et végétal dans les fables favorise cette évolution. Ainsi conçues, les pièces de La Fontaine se prêtent particulièrement bien à la représentation graphique qui aurait moins aisée s’il s’était agi de figurer directement une sentence morale. De fait, les Fables sont sans doute une des œuvres modernes les plus fréquemment illustrées.

 

LA FONTAINE (J. de) – OUDRY (J.-B.). Fables choisies, mises en vers. Paris,  Chez Desaint & Saillant, et Durand, 1755-1759 [Jean-Louis Regnard de  Montenault], [1760], 4 vol. in-folio, maroquin rouge, filets dorés

Gravure d'après Jean-Baptiste Oudry pour les Fables, 1755

 

La Fontaine souhaitait pour ses Fables des illustrations. Dès la première édition de 1668, il confie la mise en image de ses textes à François Chauveau, graveur du roi. Depuis, innombrables sont les artistes qui ont réinterprété les fables, innombrables aussi leurs supports, du livre à la tapisserie, des papiers peints aux porcelaines, en passant par la sculpture, les boiseries… ou la mise en scène d’animaux naturalisés. 

 

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les illustrateurs des fables privilégient les scènes de genre dans une lecture anthropocentrique. Ils repoussent l’ambiguïté entretenue par les fables entre nature humaine et nature animale et hiérarchisent nettement les deux mondes, ne faisant de l’animal ou du végétal que l’élément d’une nature soumise à l’homme. L’admirable peintre animalier qu’est Jean-Baptiste Oudry, exprime superbement le caractère des animaux, leurs manières, leurs jeux, leurs attitudes, mais il leur refuse toute qualité symbolique et ne leur donne jamais une présence fantastique susceptible d’imposer un parallèle avec les comportements des hommes. 

 

L’illustration du XIXe siècle explore de nouvelles dimensions du texte. Les fables sont données aux enfants et s’attachent encore à la surface du récit en s’ornant de véritables galeries d’animaux ou de bandes dessinées avant l’heure comme dans l’œuvre de Maurice Boutet de Montvel en 1888. Surtout, le goût du siècle pour la caricature et bientôt pour le fantastique font disparaître les barrières entre l’humain et l’animal et redonnent leur puissance aux morales. En 1838-1840, Grandville est le premier à dessiner des têtes d’animaux sur des corps d’homme. En 1867, Gustave Doré ne montre plus « des hommes prenant des masques de bêtes, mais le contraire », selon le mot de Giraudoux. Derrière le masque humain apparaît la bête véritable. L’inversion de l’anthropocentrisme classique en fascination pour le règne animal culmine dans les décors naturels des estampes de maîtres japonais diffusées en France en 1894. 

 

Le loup et la cigogne, dessin préparatoire de Félix Lorioux, 1949

 

Le XXe siècle approfondit dans un esprit de synthèse les différentes veines précédemment ouvertes. Les éditions abrégées pour les enfants se multiplient : s’attachant à décomposer le récit en différentes séquences, Benjamin Rabier (1864-1939), Félix Lorioux (1872-1964) ou Jean Effel (1908-1982) teintent plus d’une fois leur anthropomorphisme d’humour ou de caricature. Jean Adrien Mercier (1899-1995), sur les menus du France, et le miniaturiste Henry Lemarié (1911-1991) remettent à l’honneur la scène de genre de l’époque classique, tandis que Jorj Morin (1909-1995) et Jean Lurçat (1892-1966) sélectionnent chacun un fil de l’écheveau des Fables pour mieux faire ressortir une construction morale. 

 

 

 

 

 

Les documents exposés

 

    1. Choix de fables de La Fontaine illustrées par un groupe des meilleurs artistes de Tokio / sous la direction de P. Barbouteau

Paris, Flammarion, 1894. 2 vol.

Rés. B50081

Artistes de Tokio : En 1894, les éditions Flammarion diffuse une des éditions les plus originales des fables imprimées à Tokyo à l'initiative du japonisant Pierre Barbouteau. ce dernier a demandé à cinq artistes japonais, Kawa-Nabe-Kiyo-Soui, Kâno-Tomo-Nobou, Oka-Koura-Shiou-Soui, Eda Sada-Shiko et Kadji-Ta-Han-Ko, de créer pour vingt-huit fables des estampes en couleurs sur papier japon. Les fables choisies ont toutes des acteurs animaux ou végétaux qui répondent pleinement à la fascination pour le monde animal qui se développe tout au long du XIXe siècle dans l'illustration des fables

 

    2. Fables / La Fontaine, présentées par Jean de La Varende, illustrées par Félix Lorioux

Nantes, Marcus, 1949

Rés. C12185

 

    3. Contes et nouvelles en vers / par M. de La Fontaine

18e siècle, tome 1er

HR A0278 (Fonds Hébert de la Rousselière)

 

    4. Fables choisies / J. de La Fontaine, dessins par J.-B. Oudry, gravures au burin par N. Dupuis, à l'eau forte par C.-N. Cochin

Paris, Dessaint et Saillant, 1755-1759

Rés. BL 2073

Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) : Directeur de la Manufacture de Beauvais et inspecteur de la Manufacture des Gobelins, il se spécialise comme peintre animalier ou de natures mortes et reçoit des commandes royales pour Versailles. Ses dessins des fables sont datés d'entre 1729 et 1734. Vendus vers 1751 à l'amateur d'art Montenault, ils sont redessinés par Cochin pour les rendre aptes à la gravure. La prestigieuse édition en quatre volumes paraît entre 1755 et 1760. Le décor envahit l'image et occulte presque les protagonistes.

 

 

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